Réflexions autour des principes source: comment partager la source ?
Article 2/3 résumant "Un petit livre rouge sur la source" de Stefan Merckelbach
Cet article résume le chapitre 2 du livre “Un petit livre rouge sur la source” de Stefan Merckelbach, que je remercie de m’avoir autorisé à en faire un résumé en y ajoutant ma propre analyse tirée de mon expérience personnelle. A toutes les personnes qui liront ces lignes, je recommande d’acheter le livre qui est bien plus détaillé et qui apportera de nombreux éclairages plus précis. Voici le lien pour se le procurer: https://www.ordinata.ch/approches/un-petit-livre-rouge-sur-la-source
Lien vers le premier article qui résume le premier chapitre “Accueillir la source” https://nicolasgluzman.substack.com/publish/post/65515719
Source globale et source spécifique
Après avoir reconnu, accueilli et incarné la source, il est fréquent de la partager (en tout ou partie) à autrui. Il est rare qu’un projet se mène seul. La question fondamentale est alors double:
Quelles sources je vais partager à autrui ?
Que dois-je garder en main propre ?
Peter Koenig explique que lorsqu’une personne source commence une initiative, elle créé un champ, qui est le terrain de jeu sur lequel son initiative se développe.
Il distingue ensuite deux types de sources:
La source globale qui a la responsabilité globale du champ, dont il est au service (et non le propriétaire, cf. chapitre 1)
La source spécifique qui va occuper une portion du champ, portion désignée par la source globale. Dès que la source est transmise, la source spécifique incarne les rôles de guide, entrepreneur et gardien, commence à recevoir les intuitions, idées et inspirations de source, de même que l’énergie nécessaire pour les mettre en oeuvre, tandis que la source globale ne les reçoit plus. Cela agit comme une “économie de source”.
Cela vient légèrement bousculer le concept d’auto-gestion ou d’auto-détermination d’un groupe en gouvernance partagée: l’idée selon laquelle les membres d’un groupe doivent s’organiser ensemble pour l’attribution des rôles afin que ce groupe fonctionne bien. Dans le cas présent, c’est bien la source globale qui désigne la portion du champ dont la source spécifique va prendre la pleine responsabilité. Et non pas sur une base de volontariat, ou d’auto-désignation ou même de désignation sans se porter candidat.
La source spécifique peut ensuite elle-même transmettre une partie de sa source à autrui et s’en suit une cascade naturelle de sources globales et spécifiques, qui fonctionne comme un réseau, exploitant un maximum d’idées et d’intuitions avec les responsabilités qui vont avec.
Plutôt qu’un organigramme hiérarchique, qui ne traduit pas les responsabilités mais plutôt un niveau hiérarchique, on pourrait représenter graphiquement cette cascade de sources par un grand cercle (source globale) qui contient plusieurs cercles (sources spécifiques). Cette représentation met davantage l’accent sur les liens organiques entre les sources et leurs relations complexes entre sources spécifiques. Les cercles imbriqués représentent la responsabilité totale que chacun porte sur l’étendue et l’évolution du champ qui lui a été confié.
L’outil www.maptio.com permet de représenter ce concept. L’outil gratuit et open source https://www.rolebase.io/permet également ce type de visualisation.
Certes, une hiérarchie est toujours représentée, mais celle-ci n’incarne plus “le chef”, mais plutôt le partage d’une responsabilité. D’ailleurs un des sens originels de hiérarchie est “ordre sacré” (Dans le catholicisme, cela signifie l’ordre et subordination des différents chœurs des anges.)
Responsabilité des sources
La responsabilité de source peut être exprimée en termes de “pouvoir” et d''“autorité” dans leur définition respective suivante:
Le pouvoir est la capacité d’agir
L’autorité est le droit d’agir
La personne source exerce ainsi son pouvoir – capacité d'agir – sur son champ d'intervention et son autorité – droit d'agir – sur l'évolution de ce champ.
Le terme de “pouvoir” est souvent mal interprété. Ici, il s’entend comme la pleine capacité de commander l’énergie nécessaire pour prendre soin du champ (projet, fonction, entreprise …) et de son avenir, assortie de la totale légitimité pour le faire.
L’exercice du pouvoir s’inscrit dans le temps grâce à l’autorité de la personne source. C’est en remplissant ses rôles de source que la personne source exerce son autorité sur son projet, sa fonction, son entreprise ou son équipe. L’autorité est bien plus qu’une simple attribut du pouvoir, elle est le pouvoir en acte. Ceci explique pourquoi la personne source n’a pas besoin d’avoir recours à la force ou la contrainte pour implémenter sa vision ou faire adhérer aux prochains pas. Il suffit qu’elle exprime son autorité (et notamment par la transformation des intuitions en actions) pour que celle-ci soit respectée et fasse sens. Cette vidéo de Frédéric Laloux pendant les 12 premières minutes permet de mieux le comprendre.
La source développe le collectif
La personne source exerce son pouvoir et son autorité d'une façon éclairée et engageante pour les gens autour d'elle. Car autour de la source se constitue généralement un collectif, inspiré par la vision et souhaitant contribuer à sa réalisation.
Avant d’aborder la notion du collectif, Stefan Merckelbach rappelle bien que la source globale se focalise sur un seul but, qui est de réaliser son projet: elle concentre le plus clair de son énergie là-dessus. Le collectif n’est pas pour elle un but en soi, mais un moyen indispensable pour parvenir à cette réalisation. Ce qui la motive à mettre du soin à développer le collectif, c’est le projet avant tout.
De plus en plus de sources globales reconnaissent dans la dynamique participative une manière de développer leur projet de façon plus saine et moderne. L’auteur insiste là également sur l’importance de la personne source. Comme c’est elle qui crée le collectif, c’est elle qui crée la dynamique participative. Ensuite seulement, cette dynamique devient l’affaire de toutes les sources du collectif.
Deux principes régissent le fonctionnement du collectif ayant adopté une dynamique participative:
Le principe d’équivalence: reconnaît à chaque acteur une égale valeur d’être et un même pouvoir d’influence dans les décisions vitales du collectif.
Le principe de primauté: reconnaît à la source globale une place spéciale dans le collectif, du fait de son pouvoir et autorité sur le projet, et de sa responsabilité particulière envers la vision et les valeurs. Là encore, on parle davantage de se mettre au service du collectif que de s’auto-gargariser d’un rôle prépondérant qui reflèterait plutôt une posture égotique.
Ces deux principes manifestent singulièrement l’importance de la personne source pour promouvoir et garantir un management participatif et, par là même, prendre soin du collectif.
Ce passage a été pour moi un énorme soulagement. Enfin, je trouvais des mots pour apaiser mon conflit intérieur entre autorité/légitimité du fondateur et liberté du collectif. A mon sens, ces deux principes ne s’opposent pas, ils sont les faces d’une même pièce. Dans mon expérience personnelle au sein de futurs proches, j’observe que mon avis permet de faire avancer des situations et que cela devient ensuite générateur d’énergie pour tous. Toutefois, il m’est nécessaire de veiller à ne pas tomber dans une posture inverse: que mon avis prévale sur tout et tous, tout le temps.
Reconnaître la source de chacun
“Reconnaître la source de l’autre apparaît comme la clé pour entretenir des relations fructueuses entre personnes sources, c’est-à-dire nourrissantes pour les personnes concernées et pleinement au service de l’aboutissement du projet commun”
Comme il est primordial de se reconnaître comme source (cf. chapitre 1 “Accueillir la source”), il est essentiel de reconnaître la source d’autrui afin de lui laisser le plein pouvoir et autorité sur son champ et de laisser son énergie bénéficier au projet global. C’est le premier effet de la reconnaissance de la source d’autrui: cela permet sa mise en mouvement.
La source globale d’un projet réalise une autre forme de reconnaissance importante quand elle reconnaît la source spécifique comme étant une source globale d’une initiative qu’elle propose à l’intérieur du projet. Accueillir cette initiative en reconnaissant son porteur comme source globale de celle-ci permet de fluidifier énormément les relations au sein du collectif. Et d’éviter ainsi que toute les initiatives soient portées par le fondateur. La collaboration entre sources d’un même projet, entreprise, équipe ou relation s’intensifie grâce à leur reconnaissance mutuelle. Cependant cette collaboration n’est pas un but en soi, il arrive que la poursuivre ne soit pas possible, voire pas souhaitable, ce qu’il convient aussi de reconnaître lorsque c’est le cas.
Une autre dimension importante de la reconnaissance est celle que la source, globale ou spécifique, voue au collectif de son projet. Une source doit honorer les cadeaux que le collectif lui fait! Ella va donc exprimer aux personnes qui oeuvrent dans le projet à quel point il est important qu’elles soient là. Sans ce “nous”, le projet n’atteindrait pas son stade de développement. Lorsque chaque membre du collectif réfléchit et agit à partir de sa propre source, l’intelligence collective jaillit pour devenir synergie. Quand je reçois un tel soutien, je dois être dans une posture d’”accueillir” plutôt que de “prendre”, posture qui facilite la motivation de chacun.
En guise de conclusion et de synthèse, nous avons vu dans ce deuxième article les différences entre sources globales et spécifiques, comment s’exprime la responsabilité de la source (par le pouvoir (qui est la capacité d’agir) et l’autorité (qui est le droit d’agir), comment cela permet à la source globale de développer le collectif et l’importance de la reconnaissance de la source de chacun.
Le prochain et dernier article résumera le troisième chapitre du livre: Transmettre la source.